Animation et intervention des groupes de tâches (leadership et pouvoir) vendredi, Déc 18 2009 

AEG-1019

ANIMATION ET INTERVENTION

Leadership

  • Parler de la participation collective à la direction générale du groupe, c’est aborder la question vitale du leadership, même si les termes « leader » et « leadership » n’ont pas encore été traduits en français de manière adéquate et satisfaisante. Tout compte fait, leur emploi est passé dans l’usage et les dictionnaires français, longtemps muets sur la question, donnent maintenant à ces mots une définition plus compatible avec le sens qu’ils revêtent dans la bouche des connaisseurs.
  • Le leadership pourrait donc se définir comme suit : La capacité d’entraîner et d’influencer les autres, et l’acceptation mutuelle de cette capacité, dans la poursuite et l’atteinte d’objectifs partagés au sein du groupe.

Caractéristiques du leadership :

Caractéristique #1 : Un phénomène collectif

  • La première caractéristique du leadership est son caractère collectif. Il ne s’agit pas d’une qualité propre à un individu, mais plutôt d’une manière de se comporter en groupe, des liens entretenus avec les autres membres. Le degré de leadership peut varier d’une situation à l’autre. Le leadership n’est pas un fait de royauté, ni de noblesse : il ne peut se léguer de père en fils. Le leadership n’est pas non plus en soi attaché à une fonction, ni consécutif à une fonction. Bien que le titre d’un poste puisse contenir les mots « directeur », « chef » ou « responsable », il ne fait pas automatiquement un leader de celui qui le porte. Le leadership requiert en effet des qualités de vision, de détermination, de loyauté et des ressources de conviction, de motivation, d’entraînement et de gratification ; en chaque cas toutefois, il répond à des besoins ponctuels, précis, circonstanciés et variables ; et selon le contexte culturel, il se pare d’une touche particulière de sérieux, ou d’humour, ou de discrétion, ou d’esprit, ou de respect, ou d’enthousiasme, ou de chaleur, ou de contagion émotive.
  • Le leadership est collectif parce que, dans la plupart des situations, il ne revient pas à un seul membre du groupe, mais est partagé entre plusieurs.

Caractéristique #2 : Un phénomène qui implique réciprocité

  • Parce que le leadership est un phénomène collectif, il implique forcément la réciprocité. De fait, les leaders ne sont pas indépendants du groupe auquel ils appartiennent : ils le guident, le conduisent, l’accompagnent, l’influencent, mais sont également influencés par lui. Les leaders du leadership parce qu’ils souhaitent en avoir et parce qu’on veut leur en accorder.

Caractéristique #3 : Un phénomène qui implique mobilité

  • Moins l’attribut d’une personne qu’un aspect de l’organisation globale, le leadership existe dans la mesure où les membres du groupe, différenciés entre eux, exercent une influence différente dans le groupe. Le leadership est un réseau d’influence réel : il ne se répartit pas d’une manière mathématiquement égale chez tous ; il se polarise davantage autour de certains membres. Toutefois, ce réseau est vivant : il varie sainement selon le moment et les circonstances.

Sources du leadership :

  • 1) Influence naturelle : L’influence à base d’identification, souvent appelé « naturelle », est exercée par une (ou plusieurs) personne perçue comme modèle, comme héros à qui on aimerait ressemble, comme tête de file, comme guide qu’on a envie de suivre, tel le défenseur de hockey, la Directrice, le Capitaine.
  • 2) Influence légitime : On qualifie de légitime l’influence qu’exerce un membre de groupe lorsqu’on lui reconnaît le droit d’avoir de l’influence et qu’on se reconnaît l’obligation d’accepter cette influence. C’est le pouvoir accepté et reconnu.
  • 3) Influence d’expert : C’est le type d’influence qu’exerce, sur le plan intellectuel ou sur le plan pratique, celui (ou ceux) à qui on reconnaît des connaissances une expérience ou une compétence particulière, par exemple le médecin face à son patient ou l’architecte face à son client.
  • 4) Influence de récompense : L’influence de récompense est celle d’un (ou plusieurs) membres perçu comme possédant un avantage qui peut être partagé par ceux qui le désirent ou comme offrant une possibilité de gratification souhaitée par d’autres. Ce membre n’est pas forcément celui à qui on aimerait ressembler ou celui qu’on suivrait. Mais c’est souvent celui qui félicite, qui met de l’ambiance et donne aux autres le sentiment qu’ils sont bien considérés dans le groupe.
  • 5) Influence de punition : Aussi appelée influence de coercition, l’influence de punition joue dans le sens inverse de la précédente ; c’est l’influence qu’exerce celui (ou ceux) qu’on perçoit comme démobilisateur, menaçant, culpabilisant, capable parfois de bloquer un projet ou de démotiver un groupe.

Pouvoir

À la différence du leadership, le pouvoir implique la notion de contrainte exercée par individu ou par un groupe et imposée aux autres, soutenue par une structure sociale, formelle ou pas. Le directeur d’un hôpital ou d’une école, le patron d’une usine, le conseil d’administration d’une société, le policier qui règle la circulation automobile à un carrefour : tous ont un certain pouvoir.

Définition de pouvoir

  • La capacité chez un individu ou dans un groupe de faire ou de faire faire ce qu’on veut, d’obtenir des résultats ou de les modifier, et ce, bon gré mal gré de la part de ceux qui sont soumis à cette capacité.

Prise de décision

  • La prise de décision est l’aboutissement obligé du fonctionnement du groupe. Sans prise de décision à la clé, le fonctionnement du groupe est sas objet, vain et inutile. La capacité de décider est le critère de maturité des groupes.
  • Lorsqu’un groupe se met en marche vers ses objectifs, on distingue trois d’activité : le contenu, la procédure et le climat.

Contenu

  • La poursuite d’un but commun étant le premier facteur déterminant l’existence du groupe, il va de soi que la nature de ce but précisera un aspect de l’activité du groupe : le niveau du contenu des échanges ou du débat. Qu’ils soient intellectuels ou pratiques, les objectifs poursuivis, l’intérêt et la discussion qu’ils suscitent, l’activité et les efforts déployés pour les atteindre se situent précisément au niveau du contenu.

Procédure :

  • La manière de poursuivre le but commun constitue un deuxième niveau, celui de la procédure. La procédure, c’est l’organisation interne des ressources, humaines et autres, du groupe en vue d’accomplir la tâche assignée ; elle comporte les normes que le groupe fixe, les méthodes et les règlements qu’il s’impose, les rôles qu’il répartit entre les membres, les techniques qu’il adopte pour la conduite de son activité, la discussion et la solution de ses différents problèmes. La procédure n’est pas voulue en soi : elle est essentiellement fonction du contenu.

Climat

  • L’interaction psychologique entre les membres est faite non seulement d’échanges et de discussions sur les plans rationnel et objectif, mais aussi d’actions et de réactions affectives et émotives qui influencent le climat du groupe. Ainsi, chaque membre se trouve au centre d’un réseau d’influences plus ou moins sensibles, plus ou moins secrètes, mais dont la résultante constitue un comportement observable : hésitation, doute, retrait, évasion, agressivité, passivité, enthousiasme, dynamisme ou solidarité.
  • Pour parvenir à des décisions productives, le groupe réaliste doit tenir compte de ces trois niveaux de fonctionnement. Il doit évidemment chercher à préciser ses objectifs le plus nettement possible, prendre le temps de définir clairement les méthodes qu’il entend suivre afin d’atteindre ses objectifs plus efficacement et demeurer attentif aux diverses réactions socio-émotives dont l’impact peut s’avérer décisif dans la poursuite des objectifs communs.
  • L’expérience montre que les groupes productifs franchissent des étapes avant d’atteindre leurs objectifs et qu’ils sont vigilants à ne sauter aucune de ces étapes ni à les laisser se télescoper.

Définitions

  • 1) Définition des termes : Pour exercer sa force d’attraction et mobiliser les énergies, l’objectif doit être nettement défini, perçu par les membres en termes non équivoques, et valorisé par tous. Les données de la problématique doivent également être précisées et acceptées.
  • 2) Proposition des éléments de solution : La problématique et l’objectif étant nettement posés, les membres proposent des éléments de solution. Cette étape est un inventaire ; il s’agit de profiter de l’apport de chacun et d’élargir l’éventail des hypothèses de solution dans une mesure raisonnable et satisfaisante, puis de bien comprendre ces hypothèses. Bien que ce soit parfois difficile, les groupes productifs s’abstiennent de discuter des hypothèses à cette étape, précisément pour protéger la libre expression de chacun, éviter les pressions et empêcher la distorsion des hypothèses.
  • 3) Critique des propositions : Les suggestions et les propositions versées au réservoir commun étant désormais la propriété du groupe, celui-ci peut maintenant en disposer comme il l’entend. Si les membres ont vraiment conscience de former un groupe, ils accueilleront chaque idée, l’examineront, la discuteront, la garderont ou la rejetteront, sans que l’initiateur de cette idée ne se sente discuté, gardé ou rejeté. Il est donc important que l’inventaire de l’étape précédente ait été protégé contre tout jugement de valeur.
  • 4) Prise de décisions : La critique des hypothèses envisagées prépare l’étape de la prise de décision. C’est le moment critique. Propositions, amendements, contre-propositions et sous-amendements étant correctement compris, le groupe doit opter pour la solution qui lui semble la meilleure, la plus praticable, la plus utile.
  • 5) Décision unanime : Tous les membres du groupe partagent nettement la même opinion concernant une proposition et votent explicitement dans le même sens.
  • 6) Consensus : Tous les membres ne partagent pas la même opinion sur une proposition, mais ils finissent par voter dans le même sens : les uns sont convaincus du bien-fondé de la proposition tandis que les autres, sans démission, sans dépit, et tout en conservant leurs avis préférentiel, se rallient loyalement et ouvertement à la proposition, compte tenu de l’objectif collectif, des circonstances particulières de la décision et de la confiance qu’ils accordent aux premiers et au groupe, ou à l’équipe dans son ensemble. Le consensus n’est absolument pas un vote majoritairement imposé.
  • 7) Décision majoritaire : Tous les membres ne partagent pas la même opinion sur une proposition et ils votent dans des sens divergents ; les plus nombreux l’emportent. En principe, bon gré mal gré mais loyalement, l’ensemble du groupe accepte après coup la décision majoritaire ; c’est du moins le sens de la tradition démocratique dans nos pays. En outre, on a coutume de distinguer la majorité simple (la moitié plus un des membres, ou des membres présents) et la majorité qualifiée (les deux tiers ou les trois quarts des membres) selon les statuts, les normes et les questions en cause.
  • 8) Décision minoritaire : Pour des raisons statuaires ou pour d’autres raisons, tous les membres ne sont pas présents lors de la discussion d’une proposition et une minorité d’entre eux prend la décision sur cette proposition : le conseil d’administration pour une assemblée, l’exécutif ou le bureau pour un conseil d’administration pour un conseil d’administration, le comité de direction pour un exécutif, le quorum pour un groupe officiel qui compte des absents, la régie pour l’ensemble du personnel, et ainsi de suite. Généralement, la compétence décisionnelle de ces diverses minorités est définie dans les statuts, les normes ou la pratique du groupe ou de l’organisation.
  • 9) Décision unitaire : Cette décision est prise par un seul membre du groupe, avec ou sans consultation préalable : privilège royal, présidentiel, pontifical, directorial ou patronal ; mandat international, national, régional ou local ; mission déléguée ou assignée ; situation de crise ou d’urgence ; légitimité, autoritarisme, inconscience, ou erreur.

Théories et modèles (Les grandes théories: l’agir communicationnel) samedi, Déc 12 2009 

GCO-1001
L’AGIR COMMUNICATIONNEL D’HABERMAS

1- La théorie de l’agir communicationnel de Jurgen Habermas

1.1 Éléments théoriques

1- La communication est l’activité élémentaire par laquelle les participants sont capables de se mettre spontanément d’accord sur un projet d’action commune (exemple : aller au cinéma) ou une réalité partagée (l’amour des montagnes enneigées).

  • La communication est ce qui se produit quand deux personnes ou plus parlent de quelque chose sans qu’aucune d’elles ne conteste la validité ou le bien-fondé des affirmations/des propositions explicites et / ou implicites faites par les unes et les autres.

2- L’agir communicationnel est une forme d’action dans laquelle le locuteur utilise des actes de langage où sont enchâssés des prétentions à la validité pouvant être critiquées (remises en question loyalement).

3- Un acte de langage est un contenu propositionnel qu’on émet avec un but ou une force (d’affirmer; de promettre; de dire; de déclarer; d’exprimer).

  • L’acte de langage est tripartite : il informe/locution; il agit/illocution ou fait quelque chose (exemple : dire des remerciements montre notre appréciation); et de ce fait peut provoquer des effets/perlocution (exemple : suite à mes remerciements qui ont rendu publique et manifeste mon appréciation, l’auditeur me trouve polie et m’aime davantage).
  • Un acte de langage est compris quand l’auditeur sait ce qui le rend acceptable ou reconnaissable comme vraie, légitime et véridique.

4- L’intercompréhension est le produit de la communication; il révèle le fait qu’au moins deux personnes capables de parler et d’agir (il y a plusieurs façons de léser cette capacité…) comprennent identiquement une offre d’acte de langage. On se sert donc d’actes de langage pour parvenir, peut-être après négociation, à une compréhension identique (on donne la même signification dénotative et connotative à ce qui est dit). L’intercompréhension est sanctionnée par une entente ou un accord implicite ou explicite. Elle permet donc la reproduction du lien social.

5- Les prétentions à la validité sont des représentations qu’on affirme en appui plus ou moins explicitement/implicitement chaque fois qu’on offre un acte de langage (quand on dit quelque chose).

  • Quand le lien social est brisé, il faut impérativement les expliciter afin de négocier l’offre et pouvoir arriver à une nouvelle entente (reconstruire le lien social).
  • Les prétentions à la validité sont critiquables. Ce qui veut dire qu’on peut les accepter ou les rejeter. À moins d’un problème, dans la vie quotidienne nous les acceptons souvent implicitement.
  • Quand des prétentions sont acceptées, c’est que l’auditeur a compris l’acte de parole ou de langage dans lequel elles sont enchâssées. Il y a accord.
  • Quand des prétentions sont rejetées, c’est que l’auditeur n’a pas compris l’acte de langage. Il y a désaccord. S’il l’a compris, mais qu’il le rejette tout de même, c’est que l’auditeur poursuit des objectifs stratégiques (donc inavouable, ou autrement, il devrait arriver à l’entente).

6- Un consensus est un accord sans réserve, tandis qu’un compromis est un accord dans lequel on participe avec des conditions.

7- L’engagement est un lien illocutoire dans lequel je lie mes actions futures à celles de mon auditeur [exemple : Dans « je viendrai demain », je fais la promesse (illocution) d’agir en sorte de me retrouver, à un moment fixé ultérieur, dans ta présence (action future). Dans « mon programme est meilleur », je fais l’affirmation (illocution) implicite de prouver, si besoin est par la suite, qu’à comparer à tous les autres programmes (lesquels?) que le mien est plus ceci ou cela (action future)].

  • L’obligation est le devoir que nous nous sommes donné, par le fait de communiquer, d’honorer ou d’assumer les engagements illocutoires que nous avons contractés dans nos actes de langage (ou dans le discours).
  • Le fait d’éviter de s’engager (par l’ambiguïté par exemple) ou de ne pas honorer ses engagements est l’indice d’une action ou d’une activité stratégique.

8- La discussion est un échange d’arguments (d’autres actes de langage) qui intervient lorsque la communication (au sens strict d’intercompréhension) est interrompue par le rejet d’une offre de langage, i.e. le désaccord, le conflit ou le différend. La discussion tend à restaurer la communication au sens strict.

9- La communication stratégique est le processus par lequel on aboutit à un faux accord/consensus tronqué ou imposé par :

  • La manipulation consciente de l’information (on exagère des bouts; on minimise d’autres éléments; on supprime des éléments; on cache des éléments ou des intentions; on rajoute des éléments non pertinents… etc) ou,
  • La distorsion/déformation systématique où les acteurs ne sont pas conscients/refusent de prendre conscience qu’ils biaisent la communication en fonction des intérêts égoïstes de classe ou de statuts.

10- Le pouvoir est la capacité légitime (autorité) ou illégitime de faire faire quelque chose à autrui par le biais de l’argent, de la force physique ou de la force symbolique (par exemple : différentiel de connaissances; contrôle/monopole des symboles comme expert; contrôle de la communication à travers les rôles de gatekeeper /sentinelle; par le biais de l’agenda-setting et de la spirale du silence; la restriction de la rétroaction ou du feedback dans les échanges pour ne pas s’ajuster à l’autre ou de garder autrui dans le rôle de « l’obligé », i.e. celui qui a reçu, mais qui n’a pas la possibilité de rendre).

  • La dynamique de la communication produit du pouvoir. Et ce pouvoir peut être utilisé pour forcer un faux-accord, un lien social factice

 

1.2 Problématisation

1- L’action sociale (comportement orienté vers autrui) ou ce que les gens font les uns par rapport aux autres ne se limite pas à une prise en compte (représentation) objective du monde dans lequel ils interviennent.

  • L’action sociale tient compte aussi des normes, des sentiments tout comme des intérêts. Souvent, ces éléments agissent en concert dans l’action. L’action sociale n’est pas unidimensionnelle.

2- Les conflits entre les groupes dans la société (désaccords profonds) ne sont pas seulement causés par des différences d’intérêts ou de buts poursuivis. Ils ne se résolvent pas seulement alors par le biais de rapports de force ou de pouvoir où les uns tenteraient de prendre le pouvoir pour s’assurer de la prééminence de leurs intérêts. La lutte de pouvoir perpétuelle peut être substituée par des actions plus émancipatrices et progressistes résultant d’ententes/accords réels.

3- Le lien social et la société qu’il permet de constituer ne se limite pas à une addition d’intérêts similaires qui s’agrégerait en groupe contre les autres et dans l’intérêt de ses membres : la guerre des cliques. L’action stratégique n’est pas le seul mode ni le mode privilégié de la constitution du lien social (sociologie marxienne; sociologie politique,etc)

4- L’activité ou la pratique communicationnelle recèle d’un potentiel d’émancipation qui peut faire progresser les antagonismes vers une société plus libre. Il faut seulement permettre la libération de ce potentiel.

5- L’action n’est pas seulement liée à la connaissance objective/experte ou scientifique. Dans la mesure où elle doit réussir et qu’elle implique le langage et d’autres sujets, l’action est liée à la connaissance sociale et située (savoir d’arrière-plan qui permet de faire des inférences et qui n’est possible, ne se révèle que dans la communication).